Le gukuna est une mutilation génitale féminine (MGF) !

J’étais en train de faire une pause après une session d’étude intense à l’Université. Je papotais avec des amis, quand tout d’un coup, un mec que je connaissais à peine m’a demandé si j’avais fait le gukuna. J’ai levé les yeux au ciel et je me suis abstenue de toute réponse. Cette anecdote date de l’année 2017. A cette époque, beaucoup de personnes parlaient d’un reportage de TV5 Monde sur la sexualité au Rwanda.

L’eau sacrée est un documentaire qui promet de dévoiler les secrets du peuple rwandais sur l’éjaculation féminine.  Dans ce reportage, on apprend également l’existence d’une tradition totalement inconnue du grand public, celle du gukuna. 

Le gukuna est une pratique venant de la région des Grands-Lacs qui consiste à étirer les petites lèvres de la vulve afin de les rendre plus proéminentes. Les lèvres, ainsi transformées, faciliteraient la lubrification lors des rapports sexuels.

Alors qu’est-ce qu’une mutilation génitale féminine ? 

“Les mutilations génitales féminines sont des interventions visant à modifier ou à endommager les parties génitales d’une femme ou d’une fille, sans raison médicale. Les mutilations génitales féminines constituent une violation des droits fondamentaux des filles et des femmes.” Unicef

Le plus souvent, lorsqu’on parle de ces mutilations, on pointe du doigt l’ablation totale ou partielle des organes génitaux externes. Mais pour l’ONU, l’élongation des nymphes est également classée dans les MGF. 

En général, ces mutilations sont dues à des normes sociales très ancrées et les femmes sont incitées à reproduire ces violences afin d’être acceptées par la communauté.  

Dans le livre de Gaspard Musabyimana, le gukuna se distingue des autres types de mutilation. D’abord parce que il est censé accentuer le plaisir mais aussi parce que c’est un rite de passage qui est effectué sur une large période. Ce serait donc bien moins douloureux et traumatisant qu’une excision. Selon lui, ces femmes n’éprouveraient aucune souffrance psychologique ou physique lors de ces séances.  

Un plaisir décuplé ? 

La question des sensations reste difficile à établir.  Les femmes qui ont subi le gukuna n’ont jamais eu de rapports sexuels avec un sexe intact. Dans ces circonstances, il est difficile d’affirmer si ça a un réel impact ou non sur le désir. 

L’honneur de la famille serait-il dans la culotte de leurs filles ? 

Dans toutes ces coutumes, la question de l’honneur reste centrale. Que ce soit quand on oblige une femme à rester vierge jusqu’au mariage, lorsqu’on lui inflige une excision ou qu’on la force à s’étirer les lèvres. La pression sociale est énorme et les hommes peuvent même annuler un mariage si la femme n’a pas eu recours à la pratique.  Dans la culture rwandaise, le gukuna représente ce passage obligé pour les femmes

Je me demande pourquoi ce sont toujours les femmes qui sont soumises à des attentes particulières ? Pourquoi la forme du pénis n’est jamais un critère discriminant lorsqu’il est jugé par une femme ? 

“Pour les Rwandais le pénis est déjà habillé naturellement, si bien qu’à ce sujet, certains disent : « ce que Dieu nous a donné, nous devons le garder ». On pourra dire, alors, que la nature – ou Dieu – donne à l’homme ce qu’une femme reçoit seulement à travers la culture. Il s’agit ainsi d’une différence entre homme et femme qui est considérée comme évidente mais aussi comme le fondement d’une inégalité : le corps de la femme, pour entrer pleinement dans le corps social (comme épouse et mère), doit être traité et modelé culturellement tandis que celui de l’homme est déjà naturellement prêt en soi. » Plaisirs croisés -Journal Open Edition

Source photo : pexels


Des filles sans voix 

Il est aussi intéressant de voir qui est visé par ces rites. Ce sont des filles âgées de 9 à 15 ans, qui n’ont pas leur mot à dire. Elles ne peuvent pas consentir car elles sont encore enfants. 

D’ailleurs, dans le documentaire au sujet de l’eau sacrée, les jeunes filles ne parlent pas. Dans la société rwandaise comme dans la plupart des sociétés, les jeunes filles ont très peu d’agency. Elles sont silencées en permanence. 

Cette coutume empêche les enfants d’être libres et de disposer de leurs corps comme elles l’entendent. Le corps devient l’objet de la communauté et n’est plus personnel et individuel. C’est une véritable intrusion de l’intimité. 

Je terminerai avec les doux mots d’Axelle, “L’intimité des petites filles noires ne devrait appartenir qu’aux petites filles noires. PERSONNE n’a rien à y foutre (même pas les femmes de leur famille!), surtout si “l’intervention” sous couvert de “tradition” ne vise qu’à les préparer à devenir de “bonnes” épouses !” 

Sources :

Gukuna : traditions et ethnocentrisme

Plaisirs croisés : gukuna-kunyaza. Missions, corps et sexualités dans le Rwanda contemporain

Sexualités et rites en Afrique (Hier et aujourd’hui)

9 commentaires sur “Le gukuna est une mutilation génitale féminine (MGF) !

  1. Tu as totalement raison. Il est bien question ici de consentement en connaissance de cause (ce qui n’est pas le cas) et de norme sociale genrée. C’est vrai que j’avais plutôt en tête le « côté positif » de la pratique dans le contexte de libération sexuelle occidental. Je n’avais pas du tout idée qu’il s’agissait juste d’une autre injonction, d’une autre contrainte pour les jeunes filles. Merci de remettre les pendules à l’heure 🙂

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    1. Bonjour Ngwaneeligui
      J’espere que tu vas bien. 😊
      Je suis en effet tjs choquée qd je constate que cette pratique ne suscite aucun débat, alors qu’elle peut s’avérer extrêmement traumatisante.
      Je pense qu’il faudrait plus de femmes rwandaises qui se saisissent du sujet afin qu’on se rende compte que le gukuna n’a pas que du bon, bien au contraire.

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      1. Ça ne suscite pas de de commentaire parce que la plupart des femmes Rwandaises l’apprécient. Certaines d’entre elles que j’ai consulté m’ont répondu qu’une femme non « kunée » n’éprouve pas de plaisir pendant l’acte sexuel et ejacule difficile.

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  2. Practice like this alawys make me so sick to my stomach. Comme tu as dit, pourquoi cest toujours les petites filles qui doit etre subis a ces choses? Au meme temples les hommes ne font rien, pas meme le circumcision! ca ne fait pas de sens

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    1. C’est grave je te dis. Le pire, c’est qu’en recherchant sur ce sujet, je me rends compte que je suis l’une des seules personnes à parler et à dénoncer cette pratique. J’ai eu la chance d’avoir été élevée par une maman qui ne m’a jamais forcée à le faire mais je connais beaucoup de personnes qui l’ont fait meme ici en Belgique. C’est vraiment n’importe quoi et c’est dommage qu’on grandisse dans cette culture du silence

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  3. Merci pour cet article 🙂
    J’avais entendu parlé de cette pratique en Ouganda et ne savais pas qu’elle était si répandue (à la fois géographiquement mais aussi par rapport aux nombres de personnes).
    Quand j’ai appris l’existence de cette pratique, j’admets ne pas avoir repéré la problématique, merci pour ton article.
    Bonne journée
    (Du coup, je me permets d’ajouter cette source, trouvée en voulant vérifier que ton article parle bien de la tradition dont j’ai entendu parlerhttps://copfgm.org/2020/08/letirement-des-petites-levres#:~:text=Les%20Baganda%2C%20un%20groupe%20ethnique,et%20compl%C3%A9t%C3%A9e%20par%20la%20m%C3%A9narche.)

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    1. Bonjour
      Merci pour ton commentaire et merci pour ta source supplémentaire que j’ai lue attentivement.
      C’est intéressant de constater que la pratique existe dans beaucoup de pays et surtout, dans les peuples de culture bantoue au centre, à l’est et au sud de l’Afrique.
      Je vois que dans l’article, ils nuancent en estimant que ce n’est pas une mutilation mais une modification génitale. Le problème (au-delà des termes techniques), c’est la pression que subissent les jeunes femmes. Certains hommes vont jusqu’à annuler le mariage pcq la femme n’aurait pas subi la modification génitale.
      Au vue de toutes ces pressions, j’estime que c’est une pratique injuste et sexiste qui doit cesser. (Mais bon, ce n’est que mon avis et je sais que beaucoup de femmes rwandaises ne le partage pas)

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