« Le monde féministe est parfois très élitiste, je voulais créer quelque chose de safe et d’inclusif… »

Rencontre avec Aurélie, des Ateliers Gango

Je crois qu’être une femme est une malédiction et une bénédiction.
Dans les sociétés influencées par les religions monothéistes, la femme est considérée comme le sexe faible. Aujourd’hui encore, malgré de grandes avancées en matière de droits des femmes, beaucoup d’inégalités persistent.
En même temps, je crois qu’être une femme est une chance car on peut facilement discuter de sujets profonds et sensibles avec notre entourage. Ce sont ces belles discussions entre amies, qu’ont voulu recréer Aurélie et Sophie, en élaborant les ateliers Gango.

Sophie, Tryphène et Aurélie, lors d’une activité durant les Ateliers

Le Gango, c’est notre groupe d’amies. On a grandi et évolué ensemble. Le Gango, c’est la contraction de Gang de Go et c’est le surnom de notre belle dynamique de groupe. C’est un nom qui nous représente bien car on a grandi au milieu des années 2000, dans le croissant pauvre de Bruxelles. A l’époque le phénomène de bandes urbaines était très documenté et on s’imaginait nous aussi, avoir une bande de potes libres et féministes.
Aujourd’hui, j’ai décidé d’interroger Aurélie, 26 ans, sociologue et travailleuse sociale. Je lui ai demandé de nous parler de sa vision de ces ateliers….

Aurelie, en plein exposé…
Lors d’un atelier sur le bien-être au travail, une participante graphiste avait laissé de jolis petits mots…
  • Quel est le but de ces ateliers?

Le but de ces ateliers est de développer une confiance en soi féminine et de combattre les violences machistes quotidiennes. On s’est rendu compte que le système patriarcal empêchait les femmes de s’épanouir pleinement. 

  • Est-ce que les ateliers sont un espace féministe?
    Ce sont des ateliers pour femmes. On n’ose pas dire féministe car le mot est galvaudé même si c’est en train d’évoluer. On prône un féminisme intersectionnel et inclusif. On ne veut pas tomber dans un féminisme qui ne soit pas ouvert. On évite ce mot dans notre communication car on ne veut pas obliger toutes les intervenantes à épouser notre vision du féminisme. Il y a toutes sortes de féminisme ou de non-féminisme dans nos ateliers. Certaines femmes sont radicales, d’autres ne se sentent pas vraiment féministes, mais elles viennent toutes aux ateliers, car elles y trouvent leur compte.
  • Tu ne te sentais pas épanouie dans les autres espaces féministes?
    J’avais besoin de trouver un espace où je me sente bien et où je puisse m’exprimer dans un langage commun. Le monde féministe est parfois très élitiste et j’avais du mal à m’y intégrer. Je voulais créer quelque chose de safe et d’inclusif. Peu importe ta sexualité, tes origines, ta culture, tu peux t’identifier et te reconnaître dans nos témoignages. C’est un endroit où on peut créer une confiance entre femmes.
  • Qu’est-ce qui a développé ta conscience féministe?
    J’ai eu une relation amoureuse qui m’a détruite psychologiquement. Ca a déclanché cette envie de m’épanouir. Quand on est une femme, on vit beaucoup de choses qui créent des déclics. Je suis allée à l’université, j’ai découvert des théories. Et puis, je suis rentrée dans un milieu militant. L’espace familial est également un lieu de tous les apprentissages. Ca me rendait malade de voir les injustices que ma mère subissait. Mais je n’avais pas encore les mots et je ne me rendais pas compte que c’était lié au sexisme.
  • Ton féminisme est aussi lié à une histoire familiale?
    Je n’avais pas conscience que certains comportements étaient inadaptés. Plus jeune, je recevais des remarques sur mon corps, des choses insidieuses qui ont marqué mon adolescence et ma confiance en moi.
    En contre-partie, j’avais un père assez féministe qui m’a donné beaucoup de liberté en tant qu’ado. Je me suis sentie favorisée par rapport à mes autres amies. Mais ce sont plus des remarques qui m’ont marquées ou des conflits familiaux injustes liés au patriarcat.
  • Est-ce que tu peux me parler d’un atelier ou d’un moment qui t’a particulièrement marqué?
    On fait souvent une activité ludique en fin d’atelier. Ici, l’activité était de se regarder dans le miroir et de se donner un compliment. L’une des participantes a fondu en larmes. Ca m’étonne toujours de voir la confiance qu’ont les femmes entre elles.
    Parfois, j’ai une certaine pudeur à parler de certaines choses. Ca me touche de voir qu’elles parlent de choses profondes et personnelles. Ma plus grande crainte, c’est que les personnes ne se livrent pas. Mais ça n’arrive jamais. Même des personnes introverties osent s’ouvrir. Et les résultats sont là. Il y a beaucoup de femmes qui nous disent que ça leur a fait du bien. Si j’ai pu améliorer une semaine de leur quotidien, je suis heureuse.
  • C’est en ça, que je me retrouve dans vos ateliers. Mon blog, c’est aussi un espace où je montre mes vulnérabilités…
    Je te trouve hyper courageuse. Je n’ai pas autant de courage. La première clé de libération dans toute douleur, c’est la parole. Quand on a une fierté mal placée, on peut créer beaucoup de tabous, qui eux-mêmes créent des problèmes : dans nos couples, nos relations amoureuses, au travail… Mais c’est un risque de se dévoiler comme ça et je comprends que certaines ne puissent pas le faire.
  • Comme vous faites pour instaurer cette confiance?
    Moi ça me dépasse à chaque fois. J’ai pas de secret. Ce qui permet de créer cette confiance, c’est la bienveillance et l’inclusion. On ne rejette aucune femme et on n’est pas dans le jugement. Je pense que c’est assez naturel. La dynamique se crée toute seule. On essaie d’être amicale et de mettre les gens à l’aise. Cette confiance me touche vraiment.
  • Comment vous structurez les ateliers et pourquoi vous structurez les ateliers de cette façon?
  1. La théorie permet aux femmes de prendre conscience de ces oppressions et d’éviter de tomber dans une hyper-responsabilisation individuelle. Ce qui manque souvent dans le développement personnel c’est le fait de responsabiliser totalement l’individu sans tenter de comprendre les causes sous-jacentes.
  2. Les débats permettent de libérer la parole, on veut que les discussions soient horizontales. Le débat se fait en fonction de ce que les femmes ont envie de dire.
  3. L’activité permet d’ancrer le message. On sait qu’il existe des intelligences différentes et cette activité permet de mieux emmagasiner le contenu. Pour comprendre une théorie et se libérer, c’est bien d’avoir une application pratique.

C’est un système qui fonctionne bien. Le partage de vécu permet de déculpabiliser les personnes, comprendre les théories et s’émanciper grâce à une application concrète.

  • Il y a beaucoup de tension dans les milieux féministes et parfois, une maladresse peut se payer chère. Je l’ai souvent vécu à cause de mon manque de connaissance. Comment vous faites pour éviter ces querelles ?

    On vient nous même d’un milieu populaire, même si en général, on a fait des études. On fait attention à être inclusives et à rappeler les autres formes de discriminations (raciales par exemple… ) Dans les milieux militants, il y a beaucoup de lutte de pouvoir. Ici, il n’y a rien à gagner et on est ouverte à toute proposition.
    Ce qui est dur dans les milieux militants, c’est qu’il y a beaucoup de susceptibilité. Alors que dans les milieux populaires, on a l’habitude de s’en prendre plein la gueule. C’est peut-être aussi une culture de classe. Les militants m’ont formée et je ne crache pas dessus. Mais au niveau pratique, il y a du progrès à faire car je ne me suis jamais sentie à ma place. Je n’avais pas l’impression d’avoir les capacités langagières pour me sentir légitime. Si je me reconnaissais dans ces milieux, je n’aurais jamais crée les ateliers Gango. On se remet beaucoup en question et on déconstruit nos ateliers. C’est pour ça que ça marche.
  • As-tu des conseils de lecture?
    Pour les personnes qui s’intéressent à ces sujets mais qui n’y connaissent rien, je conseille  le féminisme des 99% ». Et pour les autres, le livre de Manon Garcia, on ne nait pas femmes on le devient.

Pour en savoir plus et nous rejoindre lors de ces ateliers :
– Suivez la page Facebook et Instagram..
Les Ateliers se déroulent une fois par mois, au planning familial Rosa, dans le centre ville de Bruxelles.

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