Il y a quelques semaines, le policier qui a tué Georges Floyd a été reconnu coupable.
C’est une grande victoire pour les militants du mouvement Black Lives Matter.
Cette condamnation clôture l’un des plus gros scandales de violences policières en Amérique du Nord. Au printemps dernier, les images de sa mort avaient provoqué l’indignation et l’organisation de gigantesques rassemblements contre le racisme. Cette révolte populaire a aussi été synonyme d’énormément de violences. Durant plusieurs semaines, des voitures ont été brûlées et des magasins ont été pris d’assaut.
Ce verdict est une première dans un procès concernant une personne noire assassinée par les forces de l’ordre. La décision des jurés a probablement été influencée par les campagnes de sensibilisation et les soulèvements de l’année dernière. Les activistes de BLM ont utilisé une diversité de tactiques pour réussir à faire condamner Derek Chauvin.
Le livre “comment la non-violence protège l’Etat” de Peter Gelderloos parle de l’importance d’une stratégie diversifiée pour gagner des victoires en justice sociale.

Quelle violence ?
Au début du livre, le philosophe tente de définir la violence. Pour lui, les violences les plus meurtrières ne sont pas interpersonnelles mais sont structurelles et étatiques. Les violences structurelles sont bien plus massives que les violences entre individus. L’exemple le plus parlant sont les guerres créées pour s’accaparer des richesses. Peut-on parler de violences lorsque des militants cassent des vitrines de banques, alors que ces mêmes banques financent des milices armées? Le concept de violence est un jugement de valeur qui va varier en fonction du groupe interrogé.
L’auteur réussit à démontrer 3 hypothèses :
1.La non-violence est inefficace
Dans l’histoire, l’utilisation exclusive de la non-violence n’a jamais permis de remporter de victoire.
Changer les choses et faire des révolutions en se contentant de la non-violence ne fonctionne pas. On entend encore régulièrement parler de la lutte contre la ségrégation aux Etats-Unis comme une victoire de la non-violence. L’histoire a retenu le nom de Martin-Luther King mais cette lutte a été gagnée grâce à différents groupes, dont les Black Panthers. Les médias contribuent à alimenter ce révisionnisme historique en ne mettant en lumière que quelques figures emblématiques censées représenter le pacifisme.
La non-violence a des présupposés étranges qui peuvent être très absurdes une fois qu’on tente de les appliquer à des situations d’injustice extrêmes. “La non-violence affirme que les Africain-e-s auraient pu interrompre le trafic d’esclaves par des grèves de la faim et des pétitions”. (Gelderloos) En réalité, s’accrocher à la non-violence de manière dogmatique peut devenir très dangereux.

2. Choisir la non-violence est une posture de privilège
Penser que la non-violence suffit est naïf car le système ne remettra pas gentiment les rênes du pouvoir aux populations.
Cette posture ne peut fonctionner que pour les privilégié-e-s qui sont en mesure de négocier avec les autorités. « Les personnes racisées doivent se défendre elles-mêmes chaque jour contre la brutalité policière et la majorité d’entre eux sont déjà au chômage, exclu-e-s de toute coopération et du fonctionnement du système dans son ensemble” (Gelderloos)
Lorsque certaines de ces personnes se révoltent, les médias utilisent directement les termes “émeutiers”, sans jamais parler d’activistes ou de militants. On déconsidère leur lutte et on s’imagine qu’ils n’ont pas de conscience politique. Les militants pacifiques peuvent même affirmer qu’ils desservent la cause. Pourtant, c’est parfois grâce à la violence de certains manifestants que les journaux prennent la peine de parler de certains rassemblements. Chaque jour, des centaines de manifestations sont organisées dans l’indifférence la plus totale. Encore aujourd’hui, la violence est parfois le seul moyen de faire la Une de l’actualité.
3.La diversité de tactiques comme méthode de lutte
Dans son livre, Peter Gelderloos suggère l’utilisation d’une diversité de tactiques. “La diversité des tactiques, c’est tout simplement assumer le fait que plusieurs niveaux d’action (violentes ou non) peuvent cohabiter et se donner plus de forces les unes aux autres à partir du moment où elles se donnent des objectifs communs”
C’est la combinaison de différentes tactiques qui a rendu possible cette décision du jury. Plusieurs méthodes ont été utilisées :
- La sensibilisation sur les réseaux sociaux
- Les manifestations
- Le lobbying auprès des institutions
- Les émeutes
Le mouvement Black Lives Matter existe depuis 2013 mais il n’y avait jamais eu une telle insurrection aux Etats-Unis. Les autorités américaines ont eu très peur car l’opinion publique était acquise aux militants du Black Lives Matter. Il était clairement dans leur intérêt d’accorder à la famille de Georges Floyd un procès juste et équitable.
L’autre danger pour le système était l’influence très importante des célébrités. Beaucoup de célébrités ont relayé une vision radicale de la solution pour mettre fin à l’impunité. Trevor Noah par exemple, a partagé la vidéo d’une activiste qui justifiait le soulèvement. Elle estimait qu’en tuant Georges Floyd, le policier avait mis fin au contrat social entre la police et les personnes noires. “Si les policiers se transforment en assassins, à quoi bon respecter les règles ? Lorsque les figures d’autorité ne respectent pas le contrat établi, il devient légitime que certaines personnes usent de la violence. ”
Si le verdict rendu avait été différent, il est tout à fait probable que de nouvelles manifestations soient organisées et la ville de Minneaopolis souhaitait les éviter.
La condamnation de Dereck Chauvin est une victoire qu’on doit à la diversité de tactiques.
Un avis sur “Le verdict de Derek Chauvin : une démonstration par a+b de comment la non-violence protège l’Etat”